Vous parler de mon fils est un roman de Philippe Besson publié en 2025 aux éditions Julliard.
» Je vous demande de vous mettre à notre place. Un instant. Rien qu’un instant. Votre enfant vient vous raconter l’humiliation, la persécution, le bannissement. C’est votre fils, votre fille, il a douze ans, elle en a huit ou quatorze. C’est la chair de votre chair, ce que vous avez de plus précieux au monde. C’est l’être que vous devez protéger, défendre, soutenir, aider à grandir. Et il vient vous avouer cela. Vous y êtes ? Vous la devinez, votre stupéfaction ? votre culpabilité ? votre douleur ? votre colère ? Ça vous envahit, pas vrai ? ça vous submerge, ça vous dépasse, ça vous anéantit. Et ça, ce n’est que le début. Que les toutes premières minutes. «
Quelle claque ! Dès l’annonce du nouveau roman de Philippe Besson, à l’automne dernier, je n’avais qu’une hâte : guetter sa sortie et me plonger dedans. D’autant plus que la thématique qu’il allait traiter m’intéressait grandement. C’est suffisamment rare qu’un livre entre dans ma PAL et en sorte ainsi si rapidement.
Vous parler de mon fils est un drame qu’on vit à travers le regard d’un père de famille, Vincent, qui appréhende au plus haut point la journée qui commence. Car elle va s’avérer être une véritable épreuve pour lui et sa famille. Effectivement, tous les regards seront posés sur eux : ils marcheront en tête de la marche blanche organisée en mémoire de leur fils, Hugo, 14 ans, qui s’est suicidé en raison du harcèlement qu’il subissait au collège. Alors que la mort d’Hugo est encore toute récente, Vincent se remémore les mois de cauchemar qui ont précédé ce geste désespéré…
On découvre tous les états émotionnels que cette famille a traversés et c’est ce qui fait la grande force de ce roman. Au commencement, l’incrédulité du père, qui pense que ce qui arrive à son fils ne sont que des chamailleries entre adolescents. Puis quand il réalise finalement que cela va bien au-delà, il se sent démuni, ne sachant pas comment aider efficacement son enfant. Viennent ensuite la colère et enfin un sentiment de culpabilité, dû au sentiment d’impuissance à protéger son enfant. Ainsi, la plume précise et délicate de l’auteur arrive à nous bouleverser, sans qu’à aucun moment le récit ne tombe dans le pathos.
Les mécanismes de mise en place du harcèlement sont très bien décrits. On est atterré par cette méchanceté gratuite, justifiée par les bourreaux qui ne la considèrent que comme des plaisanteries. La lâcheté de ceux qui voient, mais qui se taisent pour ne pas subir à leur tour des représailles, nous révolte. Pire encore, l’inaction de l’administration scolaire qui minimise les faits (surtout, ne pas faire de vagues) et qui transforme presque en coupables les parents qui demandent à ce que le harcèlement cesse. Enfin, les parents des bourreaux qui pensent que leurs enfants chéris sont des anges et refusent tout dialogue. On est bouleversé par le cycle infernal dans lequel la victime se trouve enfermée : une pression continuelle, permanente, amplifiée par les réseaux sociaux. Le souhait désespéré que tout s’arrête. Jusqu’à l’issue fatale…
L’autre point fort de ce roman poignant est la description des répercussions de ce harcèlement sur le couple de Vincent. En effet, un fossé semble se creuser entre lui et sa femme, Juliette. Les hésitations de Vincent exaspèrent Juliette, qui, comme une louve, est prête à remuer ciel et terre pour sauver son fils. En conséquence, cela crée des tensions entre eux. Alors, quand Hugo commet l’irréparable, la question se pose de la survie du couple face à cette perte violente et inattendue ?
Le lecteur, à travers le regard et les souvenirs du père, se retrouve complètement immergé dans cette terrible histoire. Il la vit quasiment dans sa chair.
Vous parler de mon fils est un roman coup de poing, qui bouleverse autant qu’il dénonce. Pour que le harcèlement soit considéré tel qu’il devrait toujours l’être : une violence psychologique et physique insoutenable. Un livre pour que les victimes de harcèlement soient considérées, écoutées et crues. Et pour qu’enfin la peur change de camp, que l’impunité des harceleurs s’achève une bonne fois pour toutes.