Vent rouge est un roman français d’Emmanuel Quentin publié en 2025 aux éditions Critic. Cette histoire de science-fiction est le quatrième roman de l’auteur.
Sur Sophis, chacun est soumis au règne implacable du Vent rouge. Simple phénomène météorologique ou manifestation surnaturelle, peu importe : quand il souffle, les souvenirs s’envolent, se mélangent, se perdent. Nul n’échappe à ses effets.
Pour tenter malgré tout de protéger son secret, Anat va faire ses adieux aux trois corps qu’il a découverts plongés dans des cuves en zone interdite. Lorsque l’un d’entre eux revient à la vie, il est loin de se douter qu’un péril plus redoutable que l’Oubli menace sa planète. Elle s’appelle Satia Layre. Elle est partie de chez elle il y a plus de 400 ans. Elle n’a rien oublié de sa mission, et rien ni personne ne l’empêchera de la mener à bien.
Ce roman est une belle découverte. En effet, j’ai découvert au hasard d’une autre lecture ce quatrième roman de l’auteur. Car Emmanuel Quentin est le conjoint de Florence Quentin, autrice de Nos constellations, que j’ai présenté le mois dernier. Puisque l’écriture est une affaire de famille, j’ai suivi mon instinct et ai décidé d’acheter ce livre, et j’ai vraiment bien fait. L’intrigue est très bien ficelée et réserve son lot de révélations et d’action, régulièrement, tout du long de la lecture.
Certes, au départ, j’ai été un peu dérouté. Tout d’abord, on plonge dans un univers de SF et certaines notions sont évoquées sans trop d’explications. Même si on comprend l’idée générale, cela m’a légèrement perturbé (ma culture générale en littérature SF se limite à Star Wars et quelques romans de Peter F. Hamilton). Toutefois, leur développement n’aurait rien apporté de plus à l’intrigue elle-même et aurait très probablement alourdi le texte.
Pareillement, les unités de temps sur Sophis sont complètement différentes. Partant de ce fait, il faut là encore s’y habituer un peu. En revanche, là où l’écriture est réellement intelligente, c’est l’utilisation de la première personne dans les chapitres consacrés à Satia. Elle découvre en même temps que le lecteur la civilisation qui s’est développée sur Sophis, et il a alors ses réponses en même-temps qu’elle.
Vent rouge mêle habilement science-fiction, aventure et suspense. Dans ce volume unique, l’auteur présente deux systèmes politiques radicalement différents, mais assez intimement liés. D’ailleurs, les deux font assez froid dans le dos. D’un côté, un système totalitaire, où l’individualité semble réprimée, les émotions bridées pour ne pas affoler le collectif. De l’autre côté, par opposition, la civilisation de Sophis paraît en être l’antithèse. L’individualisme existe, mais avec le Vent rouge, de nombreux efforts pour conserver une mémoire intègre et collective sont demandés. Néanmoins, si ce monde apparaît être plus humain à première vue, la liberté n’est pas non plus totale et certaines règles sont assez dures.
Outre le développement géopolitique, les manifestations du Vent rouge interrogent aussi sur le concept de la mémoire. Tout d’abord, comment un être humain peut-il continuer à se construire quand sa mémoire se morcèle au fil du temps et qu’en plus, elle intègre des souvenirs qui ne lui appartiennent pas ? De manière individuelle, on peut glisser vers la folie. Ensuite, du point de vue du collectif, comment conserver une unité alors que certains secrets éclatent ainsi au grand jour. La cohésion sociale risque d’en pâtir grandement, avec pour conséquences des troubles et des violences.
Ces thématiques émaillent habilement le récit, de manière fluide et naturelle, sans plomber le rythme soutenu de l’histoire. Effectivement, le lecteur est tenu en haleine avec un fil conducteur intense et une construction narrative très efficace. Il est à noter que certaines questions que le lecteur pourrait se poser ne trouveront pas de réponse. Pourtant, cela n’est absolument pas frustrant, car l’ensemble reste très cohérent, avec des changements de perspectives bien pensés, voire une certaine dimension philosophique.
Vent rouge est une très belle surprise. C’est pourquoi j’explorerai sans aucun doute les autres œuvres d’Emmanuel Quentin.